Les études du jeu à la Faculté de communication de l’UQAM

Lors d’un après-midi de l’hiver 2015, un groupe d’étudiant.e.s et de professeures en communication de l’Université du Québec à Montréal formant le groupe de recherche Homo Ludens se rassemble afin de réfléchir tou.te.s ensemble à la manière d’étudier les jeux (vidéo) selon leur discipline : la communication. Ils constatent alors que, due à la nouveauté des études sur le jeu, il n’existe pas encore de méthode établie pour étudier les jeux selon une perspective communicationnelle. Plus encore, chaque chercheur.se en communication bricole des méthodes de travail à chaque nouvelle recherche sur le jeu, sans nécessairement expliciter la démarche pour assurer une reproductibilité qui aiderait les autres chercheur.se.s pour les futures recherches.

Lors de cette rencontre, une décision est donc prise : les membres du groupe travailleront ensemble pour établir l’approche communicationnelle en études du jeu propre à la Faculté de communication de l’Université de Québec à Montréal (UQAM). Partant des recherches qui ont déjà été menées ou qui sont en cours à ce moment (au sein du groupe ou individuellement par les membres), le groupe formule les postulats épistémologiques qui serviront d’assise à la méthodologie qui sera développée et formalise une approche pour l’étude des jeux.

Mené à son terme en 2020 avec la publication d’un article dans la revue scientifique Communiquer, ce projet offre une base solide pour l’élaboration de nouvelles recherches sur le jeu dans le champ de la communication. Ce billet de blogue résume les principales idées de cet article. Dans un premier temps, il sera question du positionnement épistémologique de la démarche. Puis, nous présenterons brièvement les types de communication et les plans d’analyse qui sont au cœur de la spécificité de l’approche.

Positionnement de l’approche

Les études du jeu, game ou play studies, ont été développées par des chercheur.se.s issu.e.s de différentes disciplines (études culturelles, littéraires et cinématographiques, sociologie, etc.) ayant chacune leurs concepts, leurs approches et leurs méthodologies de prédilection. Les études du jeu se sont donc d’abord constituées par l’importation de diverses méthodes qui avait été pensées pour d’autres objets d’étude.

Or les diverses études réalisées aujourd’hui au sein de notre faculté mobilisent plutôt des concepts et des outils de plusieurs branches de la communication, particulièrement celles de la communication humain-machine, de la sémiotique, de la communication interpersonnelle, sociale et culturelle, de l’étude des médias, de l’approche critique et des études de genre. L’approche visent donc explicitement à proposer des outils épistémologiques et méthodologiques pour étudier les jeux dans le champ de la communication.

Partant de l’idée que l’objet « jeu » est une production discursive, les recherches menées en communication étudient le rapport entre au moins deux éléments du schéma classique de la communication (pôle d’émission/message/pôle de réception). Dans le cas présent, cette communication met en relation un.e producteur.trice de jeu, un jeu et un.e joueur.se. Dans notre approche et en cohérence avec le champ de la communication, ce rapport est considéré comme étant premier puisqu’il détermine les caractéristiques des éléments qui sont en relation. Cet accent mis sur le rapport signifie que le jeu a toujours lieu dans un contexte expérientiel nécessairement relatif aux producteur.trice.s et aux récepteur.trice.s impliqué.e.s dans la relation, insistant ainsi sur l’aspect pragmatique de la communication.

Les deux prochaines sections présentent les deux principales étapes de l’élaboration d’un projet de recherche, à savoir la formulation d’une question de recherche et l’identification des plans d’analyse afin de répondre à cette question.

Types de communication

En effet, élaborer un projet de recherche implique d’abord et avant tout de formuler une question ou une hypothèse de recherche, puis d’établir, en fonction de cette question, à quel(s) type(s) de communication l’étude s’intéresse.

Partant d’une définition globale de la communication comme « mise en commun », les chercheur.se.s en études du jeu de la Faculté de communication de l’UQAM ont identifié cinq types de communication (d’autres catégorisations auraient été ou seraient possibles). Allant de l’échelle micro à l’échelle macro, ces types peuvent être étudiés à partir de différents plans d’analyse (voir section suivante) et sont artificiellement différenciés pour les besoins des études.

  1. D’abord, la communication artificielle fait référence à l’échange d’information entre plusieurs parties du système formel du jeu, qu’il soit conceptuel (règles, calculs ou autres) ou informatique (programmes, algorithmes ou autres).
  2. La communication humain-machine fait état des échanges d’information entre le système formel du jeu, d’une part, et les producteur.trice.s ou les joueur.se.s, d’autre part.
  3. La communication interpersonnelle se consacre aux échanges entre quelques producteur.trice.s ou quelques joueur.se.s se déroulant dans des contextes de communication à une échelle micro, au sein d’un groupe restreint.
  4. La communication sociale désigne l’échelle méso de la communication humaine, c’est-à-dire les échanges au sein d’un groupe de producteur.trice.s ou de joueur.se.s faisant partie d’une sous-communauté ou d’une communauté.
  5. Finalement, la communication culturelle porte sur les contextes macro de communication entre deux ou plusieurs communautés culturelles distinctes de producteur.trice.s ou de joueur.se.s.

Plans d’analyse

Après la formulation de la question de recherche, la seconde étape méthodologique d’une recherche est la sélection d’un ou de plusieurs terrains d’étude. Ces terrains permettent de récolter les données qui serviront à répondre à la question de recherche ou de confirmer/infirmer l’hypothèse de recherche. Afin de guider l’élaboration de cette étape, l’approche communicationnelle de l’étude des jeux propose divers plans d’analyse.

Les plans d’analyse correspondent aux composantes physiques de l’objet-jeu jusqu’au contexte plus global de production et de réception d’un jeu. Ils peuvent être regroupés en quatre grandes catégories : l’objet-jeu lui-même (en vert), l’expérience directe du jeu (en bleu), les pratiques des producteur.trice.s ou des joueur.se.s (en rouge) et le contexte de production ou de réception (en jaune).

En fonction de la question de recherche, un ou plusieurs plan(s) seront analysés et en mis en relation par les chercheur.se.s après l’identification du ou des terrains d’étude ainsi que des méthodes adéquates de recherche requises pour la collecte de données. Des descriptions et des définitions précises de chacun des plans sont disponibles dans l’article complet.

En présentant ainsi cette manière de travailler, l’approche formalisée par les chercheur.se.s en études du jeu à la Faculté de communication de l’UQAM représente une avancée en études du jeu puisqu’elle permet d’expliciter les postulats épistémologiques propres à la communication, de proposer des angles d’étude à partir de types de communication ainsi que de structurer une méthodologie de travail à partir de plans d’analyse en cohérence avec notre discipline. Il s’agit aussi d’une ressource de choix pour les intéressé.e.s et surtout pour les nouveaux étudiants et nouvelles étudiantes en études du jeu inscrit.e.s en communication. Ces dernier.ère.s peuvent s’appuyer sur cette proposition épistémologique et méthodologique pour guider leur projet de recherche et, éventuellement eux et elles aussi, faire avancer les réflexions sur les manières d’étudier le jeu selon une approche communicationnelle. 

Référence :

Maude Bonenfant, Gabrielle Trépanier-Jobin et Laura Iseut Lafrance St-Martin, « L’approche communicationnelle en études du jeu : un apport des chercheur.se.s de la Faculté de communication de l’UQAM », Communiquer, La communication à l’UQAM | 2020, 77-102